Je vous explique : deux des bipèdes de mon père pratiquent l'équitation et l'emmènent au manège.
Contrairement à moi, papa est très calme (y a pas que ses oreilles qu'il ne tient pas de notre race). Devant ce constat, le propriétaire du manège, qui possède une femelle Jack Russel assez calme elle aussi, a eu une idée de génie : "Croisons-les, ça devrait donner une nichée au caractère paisible !"
Sitôt dit, sitôt fait, ils ont enfermé les deux bestioles dans un box inoccupé.
Et voilà comment j'ai été conçue.
Pour le reste, les connaissances en génétique caractérielle du vétérinaire-cavalier ayant eu l'idée de départ, semblent devoir être mises en doute : vous avez déjà eu un aperçu de mon caractère et mes trois frères sont pires que moi ! Bon, d'accord, sur la photo, ils ont pas l'air, mais moi non plus...
N'empèche, je suis donc née parmi les Dieux puisque tel est le nom de ce véto-centaure !
Faut dire qu'avec l'âge, son entrain ne va pas croissant (rien à voir avec la viennoiserie, sauf qu'à mon avis il doit commencer à s'emmêler un peu les pinceaux lors des valses viennoises).
Enfin, vous inquiétez pas, ça s'est déjà produit et j'ai de l'entrain pour deux :-)
J'avais bien vu que le ciel était couvert, qu'il faisait glacial et que le vent n'y allait pas avec le dos de la cuiller lors de ma première sortie de la journée.
Aussi, quand mon bipède s'est installé devant son clavier comme à l'accoutumée, j'ai bien cru que la messe était dite.
C'est lorsqu'il a dit "météo" que j'ai dressé l'oreille...
(Ouais, quand je dis "dressé l'oreille" c'est une image bien sûr, je suis un vrai Jack Russel, oreilles tombantes, caractère de cochon et tout et tout !)
Donc, mon promeneur attitré s'adressait à son binôme bipède pour commenter la météo "Matin : ciel couvert, bruine persistante, température 4°C, ressentie -1, rafales du nord-est, 60 km/h"
C'est là que j'ai trouvé le titre du billet.
Mais c'est alors qu'il a ajouté "Ils disent qu'après-midi ce sera pire : il y aura de la neige en plus ! Bon, on va y aller, on pourra toujours rentrer si ça tourne au vinaigre". Et il s'est levé pour chausser ses godasses de marche.
Reste une question : est-ce qu'il voulait vraiment me faire plaisir ou seulement aider à la digestion de son repas de la veille au soir chez l'Italien ?
Ce n'est pas à vous que je dois expliquer que mon "patron" passe (la faute à qui ? Hein ?) toute la sainte journée devant son ordinateur (enfin, tout le temps qu'il ne consacre pas à mes promenades).
Et ça m'énerve qu'il s'occupe plus de vous que de moi !
Alors, j'ai trouvé une astuce...
Tandis qu'il tapote, je m'approche en catimini, je me dresse sur mes pattes arrières et de mes antérieures je lui gratte la cuisse. Ça a pour effet de le faire se retourner un peu et de s'écarter du clavier. J'en profite pour lui sauter sur le giron et pour m'y allonger, la tête sur son avant-bras droit (dans cette position, j'ai une excellente vue sur l'extérieur de l'appartement ce qui me permet d'aboyer sur tout ce qui bouge).
Lui, évidemment, ça l'oblige à dactylographier uniquement de la main gauche !
Ça n'a pas trop l'air de le déranger, je me demande même, bien qu'il ne soit pas fan de Ravel, s'il ne se prend pas un peu pour Paul Wittgenstein...
Côté horaire, je suis assez satisfait, le bipède-sorteur répond bien au dressage.
J'ai cinq sorties "hygiéniques" programmées chaque jour :
dès la fin du petit-déjeuner
à midi tapant
à seize heures, après le biscuit du café
à dix-neuf heures
vers vingt-deux heures
Faut vous dire que j'ai une horloge dans la tête !
Par exemple, les jours où je vais courir pendant plus d'une heure au domaine des Trois Fontaines, même si nous rentrons à près de onze heures, à midi, "Coucou, je suis là !"
Et ferait pas bon voir qu'on rate la sortie préprogrammée, faut pas mélanger la chèvre et le chou, non mais...
Y a que le soir où ce serait un brin perfectible : j'ai beau signaler en geignant ou en m'agitant avec mon chiffon qu'il serait temps pour la dernière sortie, le préposé feint de m'ignorer en attendant la fin de son émission télévisée (alors que je sais pertinemment qu'il y a un bouton "pause" sur la zapette).
Pareil quand nous rentrons de cette dernière sortie : j'ai parfois un peu de mal à le convaincre qu'il est grand temps de se coucher !
Mais on va y arriver, je m'applique, je m'applique !
Hier, papa est passé chez moi, il était accompagné de ses bipèdes personnels, il en a quatre (et trois chats de surcroît), le pauvre !
La plus jeune des bipèdes l'a baptisé "Moka", à cause de sa couleur.
Pour tout vous dire, il a beaucoup moins le look Jack Russel que maman ou moi !
Mon "maître" m'a raconté que quand papa était jeune, ses oreilles qui se redressaient de plus en plus désespéraient son propriétaire et que celui-ci avait essayé d'enrayer le phénomène en maintenant ses oreilles pliées au moyen de pinces à linge !
J'aurais bien voulu voir ça ! (Mais papa n'aime pas trop qu'on plaisante là-dessus)
Moi, pour que mes oreilles restent dressées, il faut que je sois face à un vent d'au moins force quatre sur l'échelle de Beaufort...
(En français, "je poursuis", mais n'oubliez pas, je vis à Bruxelles, je dois m'adapter au contexte local)
J'ai en effet deux grandes passions dans la vie (en dehors de la bouffe, des caresses et des siestes) : courir après tout ce qui bouge et... creuser !
Dès que je sors pour ma promenade "hygiénque", je me précipite à la poursuite des volatiles picorant dans la pelouse : pies, corneilles, pigeons, merles (avec les merles, je dois rester prudent, c'est l'animal-totem de mon proprio et il a gardé un petit côté "primitif" ce boy-scout). Si je repère un des nombreux chats hantant la propriété, je me lance aussi à ses trousses. Tout ça en pure perte, la longueur de ma laisse étant limitée...
Lors des vraies promenades, non seulement je cours également après tout ce qui marche, court ou vole, mais en plus, je creuse ! Les taupes et autres mulots n'ont qu'à bien se tenir !
Bon, pour ce qui est de la laisse, tout-à-l'heure, j'aurais peut-être bien fait de ne pas trop la ramener, parce qu'au cours de mes grandes promenades, mon larbin me détache... et ça fait six ans que je cours et creuse sans rien attraper du tout.
Mais je ne désespère pas... j'ai repéré une pie qui quand je lui fonce dessus attend patiemment que je ne sois qu'à quelques dizaines de centimètres avant de se soulever de deux coups d'ailes pour que je passe en dessous. Mais un jour, je sauterai !