Vengeance
Hier, comme le temps était incertain, le matin mon promeneur ne m'avait sortie que pour une petite boucle "sanitaire".
Une fois rentrés, je lui ai joué la grande scène du deux : gémissements, micro-aboiements, course en rond, agitation de chiffon et tout et tout.
À la fin, il a quitté son ordinateur, a remis sa veste et m'a emmenée en voiture au domaine où nous avons pu courir tout notre saoul dans la prairie en cuvette (enfin, "nous" c'est beaucoup dire, moi je galope et lui il marche un peu se contentant de balancer au loin les branches mortes que je lui apporte).
Comme il était assez tard, nous avons été un brin limités dans nos évolutions par des tas de gamins rassemblés en petits groupes : y avait réunion de toute une unité scoute, ils portaient tous le même foulard. Un foulard bleu roi à bord rouge, comme celui de l'unité dont il avait été le responsable anciennement.
Comme il signalait ce détail à ma maîtresse à notre retour, celle-ci lui a répondu que c'étaient également les couleurs de l'unité basée dans les écoles catholiques de notre quartier.
Bref, à force de persuasion, je lui ai fait faire ce que je voulais, j'étais très satisfaite de moi.
Je me demande si le fait qu'à notre retour mon bipède ait déclaré à son binôme : "C'est pas Câline que tu aurais dû l'appeler, c'est Casse-bonbons !" est lié à ces circonstances...
Aujourd'hui, le temps n'était pas incertain : il pleuvinait déjà quand nous sommes sortis de la maison. J'ai quand même refusé de faire pipi sur la pelouse et je l'ai entraîné vers le garage dont le volet était justement ouvert. Et j'ai de nouveau eu gain de cause.
L'ennui, c'est qu'une fois arrivés au domaine après une traversée épique des travaux aux entrées du ring, il ne pleuvinait plus, il pleuvait franchement !
Et vous savez quoi ? Il a extrait une capuche dissimulée dans le col de sa veste, m'a sortie de la bagnole et s'est dirigé vers la cour en pavés séparant la ferme du terrain de jeux. J'ai vite fait mes petits besoins, mais au lieu de faire demi-tour nous mettre à l'abri dans la voiture, il a continué à marcher, imperturbable.
Comme hier ma maîtresse m'avait justement douchée, mon poil avait un brin perdu de son imperméabilité.
Il a fallu que je finisse par refuser obstinément de continuer à le suivre pour qu'il se décide à retourner à notre véhicule.
Heureusement, il a sorti un vieil essuie du compartiment sous le coffre de la voiture comme un lapin du chapeau d'un magicien et m'a frictionnée avec.
Faudra peut-être que je me montre un rien plus accommodante à l'avenir : c'est que lui aussi a son petit côté casse-bonbons quand il s'y met !